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28° toc toc

Publié le par aulivia

Il faisait nuit noire lorsque Julie se réveilla en sursaut dans son lit. Elle ne savait pas ce qui se passait. Il ne s’agissait pas d’un cauchemar, elle s’en souviendrait, elle s’en souvenait toujours.

Elle jeta un coup d’œil sur son téléphone. 00h02. Elle dormait depuis moins d’une heure. Le sommeil pesait encore lourd sur ses paupières et son cerveau ne lui demandait qu’à se rendormir. Mais la jeune femme toujours calée entre ses oreillers attendait qu’il se passe quelque chose. Car elle sentait qu’un évènement extérieur l’avait extirpée de ses rêves. Elle n’eut pas à attendre plus longtemps car elle entendit quelqu’un frapper à la porte de la loge. Plusieurs coups discrets contre la vitre.

Qui pouvait frapper si tardivement ? Un des résidents avait-il un problème à cette heure de la nuit ?

Julie s’assit sur le bord du lit. Elle se frotta le visage des deux mains afin d’effacer les traces de sommeil et passa ses doigts dans ses cheveux afin d’avoir une allure plus présentable. Elle prit son gilet gris en laine qu’elle avait posé sur le bord de sa commode et l’enfila. Elle se dirigea d’un pas traînant vers la pièce qui lui servait de bureau. Elle alluma la lumière et cligna des yeux. Cela faisait partie du métier de concierge, elle le savait mais c’était toujours dérangeant de savoir que l’on pouvait être réveillée à tout moment pour réparer une chasse d’eau, débloquer la porte d’entrée ou répondre à une urgence.

Elle déverrouilla le loquet et tomba face à Driss, le jeune homme qui habitait au deuxième étage de l’immeuble lorsqu’elle ouvrit sa porte. Elle le croisait rarement mais voyait régulièrement ses conquêtes passer dans le couloir et disparaitre au petit matin pour ne jamais revenir. Driss était adossé à la chambranle et n’en menait pas large. Il leva les yeux vers elle, il avait les pupilles brillantes, seules témoins d’une soirée un peu trop arrosée.

 - Monsieur Renard, en quoi puis-je vous aider à cette heure si tardive ? demanda la jeune femme la voix cassée par le sommeil.

 - Je suis désolé de frapper chez vous à minuit mais j’ai perdu mes clés et du coup je suis à la porte. Dit-il d’une voix suave.

 - Ah ! je comprends, répondit Julie. Vous avez donc besoin de mon pass si vous voulez dormir chez vous ce soir. Aucune de vos conquêtes n’a souhaité vous accueillir pour la nuit ?

Elle souriait, elle savait que le jeune homme était un tombeur et ramenait des femmes différentes régulièrement. Il la fixa un instant et prit le parti d’en rire.

 - Malheureusement j’ai fait choux blanc ce soir, du coup je ne peux que compter sur votre gentillesse.

 - Si vous voulez bien attendre une seconde, je vais prendre la clé et j’arrive.-

  - Merci beaucoup, vous me sauvez la nuit. Je n’avais vraiment pas envie de dormir dans ma voiture. Je ne dors que chez moi, rarement seul mais que chez moi, dit Driss, le regard mutin.

Julie se dirigea vers son bureau, elle ouvrit le premier tiroir et se saisit de son immense trousseau comprenant les clés de tout l’immeuble. Elle ne s’était jamais servie du pass donnant accès aux appartements depuis qu’elle avait commencé. Et elle était rassurée de devoir le faire juste pour permettre à un locataire de rentrer chez lui et non pas dans le cas d’une situation plus dramatique. Driss l’attendait toujours contre la porte. Lorsqu’elle se retourna, elle se rendit compte qu’il la détaillait de la tête aux pieds. Elle rougit, gênée. Depuis qu’elle avait quitté Rodolphe, elle avait toujours pris soin d’éviter le contact physique ou même visuel avec un homme. Elle était trop mal à l’aise, elle avait peur de plaire et de tomber sur quelqu’un comme son ex. Elle voulait réapprendre à vivre pour elle. Cependant le locataire du 2G paraissait aimer ce qu’il voyait. Elle en fut immédiatement chamboulée. Elle se sentait toute petite, telle une proie  face à un prédateur. Elle connaissait ce type d’hommes qui arrivait à mettre n’importe quelle femme dans son lit rien que par le regard et par quelques belles paroles, elle avait vécu avec l’un d’entre eux pendant cinq ans. Elle ne voulait plus être le jouet de quelqu’un, mais plaire était tout de même flatteur.

Elle fit à nouveau le tour de son bureau, brandissant son trousseau sous le nez de Driss.

 - Si vous le souhaitez, je peux m’occuper de vous faire faire un double de clés demain dans la journée, à moins que vos pensiez qu’il faille changer les serrures. Lui dit-elle alors qu’elle avançait dans le couloir en direction des escaliers.

Driss répondit à peine. Il marchait à moins d’un mètre derrière elle, et elle sentait son regard dans son dos. Il profitait de la situation pour la reluquer. Elle baissa la tête pour jeter un coup d’œil à sa tenue. Son legging noir qu’elle avait enfilé avant de dormir, moulait ses jambes et surtout ses fesses. De légers picotements lui remontèrent le long de la nuque. Elle resserra son gilet autour d’elle comme pour se protéger. Heureusement qu’elle l’avait enfilé, car elle avait déjà l’impression d’être nue.

 

 

Ils montèrent les deux étages en un instant et n’échangèrent aucun mot. Chacun souhaitant sans doute rentrer chez lui au plus vite pour reprendre le cours de sa vie ou de sa nuit.

Arrivés sur le palier, Julie se mit à la recherche de la clé lui permettant d’ouvrir la porte de l’appartement. La jeune femme était penchée sur son trousseau, totalement absorbée par ce qu’elle faisait. Au bout de quelques instants, alors  mit la main sur le sésame. Elle releva la tête et eut un mouvement de recul lorsqu’elle se retrouva face à Driss. Le jeune homme se tenait à moins de cinquante centimètres d’elle. Elle le fixa cherchant à savoir ce qu’il faisait si près. Elle pouvait détailler la courbe de son visage, sa barbe qui avait légèrement repoussé depuis le dernier rasage. Une fine cicatrice lui barrait le front juste au-dessus de son œil gauche. Et ses cheveux savamment coiffés et enduits de cire retombaient de chaque côté de son visage. Ses yeux marrons brillaient, ses pupilles luisaient, un mélange de fatigue et d’alcool sans doute. Elle n’avait pas peur de lui, mais elle ne savait pas comment se comporter avec cet homme.

D’un mouvement lent, Driss approcha sa main du menton de Julie, il le saisit entre son pouce et son index. Et elle écarquilla les yeux lorsqu’elle vit le jeune homme se pencher vers elle. Leurs visages étaient à moins de dix centimètres l’un de l’autre. Le jeune homme effaça cette distance d’un souffle puis d’un baiser. Ses lèvres se posèrent délicatement sur celles de la jeune femme. Elles étaient douces et légèrement humides. L’échange ne dura qu’une seconde. Driss se recula tout aussi lentement pour la regarder. Il souriait. Julie resta stupéfaite.

 - Je voulais juste vous goûter. Dit-il à voix basse.

Julie ne savait pas si elle devait se mettre en colère ou juste rire. Il s’était permis de l’embrasser sans lui demander si elle le souhaitait ou non, alors qu’ils ne se connaissaient pas. Elle avait envie de le gifler pour lui apprendre mais le geste était néanmoins gentil. Que pouvait-elle dire ? De plus, il avait bu et ne devait pas se rendre compte de ce qu’il venait de faire. Peut-être croyait-il continuer sa soirée avec une demoiselle rencontrée dans un bar quelques heures lus tôt.

 - Vous auriez au moins pu me demander la permission ! Dit-elle.

 - Mais vous me l’auriez refusé, alors j’ai préféré vous voler ce baiser.

 - Vous avez raison, j’aurais refusé car je n’embrasse pas le premier venu comme ça. Vous mériteriez que je vous laisse sur votre paillasson pour la nuit ! dit-elle un brin amusée.

 - Dans ce cas-là je serais obligé de dormir chez vous, lui répondit Driss avec un regard enjoleur.

Julie avança vers la porte, enfonça la clé dans la serrure et la déverrouilla. Lorsqu’elle releva la tête, Driss la contemplait toujours.

 - La prochaine fois, faites plus attention ! dicta Julie d’un ton sévère. Je ne tiens pas à vous servir de portier toutes les nuits.

 - Je pourrais m’y habituer pourtant, lui dit-il.  

Il poussa sa porte et s’avança dans le noir. L’odeur de son parfum flottait dans l’air et s’échappait par volutes de son appartement. Il alluma la lumière et se retourna.

 - Merci pour tout Julie, lui dit-il. Je vous souhaite une bonne nuit.

Julie était piquée au vif. Elle n’aimait pas que l’on se fiche d’elle. Elle tourna les talons et descendit les escaliers pour rentrer chez elle. Il l’avait embrassée par surprise. Et même si le contact avait été agréable, elle était vexée et énervée. Arrivée dans le hall d’entrée, elle ruminait toujours. Comment avait-il osé ? Elle avait envie de retourner frapper à sa porte et lui dire ses quatre vérités. Heureusement pour elle, demain il aurait sans doute oublié cette histoire. L’alcool l’avait désinhibé certes mais il fallait espérer qu’il lui fasse aussi oublier ce baiser volé.

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