Seule à seul (2/2)
Le jeune homme rompit le silence avant elle. Il commença par lui poser des questions sur ses cours, sur sa vie. Léa répondait et l’interrogeait en retour. Ils discutèrent longtemps et se trouvèrent beaucoup de points communs. Les discutions devinrent plus intimes au fur et à mesure que la nuit avançait. Les pieds posés sur la table basse face à eux, Ils avaient enlevé leurs chaussures pour être plus à l’aise. Ils s’échangèrent leurs pires hontes en riant l’un de l’autre, la nuit leur permettait d’être plus à l’aise et les enhardissait. Léa commençait à avoir des fourmis dans les jambes à force de rester immobile et elle se leva afin de se dégourdir un peu. Elle se dit que jamais elle n’arriverait à dormir sur ces fauteuils inconfortables.
Elle pourrait profiter de ce temps bloquée ici pour continuer ses révisions mais elle n’en avait pas vraiment envie. Pourquoi ne pas profiter d’être seule, enfin presque seule pour visiter et prendre le temps de découvrir des livres qu’elle n’aurait plus jamais l’occasion d’ouvrir. Elle n’eut pas besoin de fouiller longtemps pour trouver une lampe de poche en état de marche et elle proposa à Maxime de se joindre à elle. Tous deux partir dans l’allée centrale à la recherche de trésors. Le jeune homme restait assez près d’elle pour profiter de la lumière qui éclairait le sol puis les étagères de son faisceau. Ils découvrirent un rayon comprenant de gros volumes qui tenaient difficilement sur les étagères en bois. Intrigués, Léa et Maxime s’approchèrent tous deux du même rayonnage, attirés par les couvertures en cuir usés et rongés par les années. Un épais volume en cuir rouge attira leur attention, il n’y avait rien de noter sur la tranche et il paraissait encore plus ancien que les autres.
Ils tendirent la main au même moment et se touchèrent du bout des doigts. Ce fut comme un courant électrique qui passa sur tout leur épiderme. Ils se fixèrent surpris par ce qu’il venait de se passer. C’est la première fois que Léa était aussi près de Maxime et elle remarqua ses yeux marrons en amande et les quelques grains de beauté qui parsemaient son visage. Avec cette lumière, elle le trouvait particulièrement beau et se sentait irrémédiablement attiré par lui. Cette attirance était réciproque car le jeune homme se rapprocha lentement jusqu’à ce que leurs visages ne soient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Il lui caressa la joue du bout des doigts et replaça l’une des mèches blondes de Léa derrière son oreille. Lorsqu’il posa ses lèvres sur les siennes, la décharge électrique se fit plus douce mais plus prenante, comme si elle se déplaçait le long de son corps, parcourant chaque centimètre carré de sa peau. Leurs lèvres s’entrouvrirent. Leurs langues se cherchèrent et s’entremêlèrent. Ce contact était si agréable et aucun d’eux n’avait envie d’arrêter ce baiser digne des meilleures comédies romantiques. La mauvaise série B faisait place à une jolie histoire d’amour comme Léa aimait les regarder au cinéma avec ses amies. Impossible de dire si des secondes voir des minutes passèrent, ce baiser lui avait fait perdre la notion du temps Elle se laissait aller à ce délicieux contact, les yeux fermés. Lorsqu’ils se détachèrent l’un de l’autre, Léa et Maxime soupirèrent à l’unisson. Le coup de foudre n’était pas forcément au premier regard mais plutôt au premier baiser, elle en était sûre maintenant. Maxime lui prit la main et l’emmena se promener dans la bibliothèque. A chaque intersection, il s’arrêtait et l’embrassait, Ils échangeaient quelques mots mais n’avaient même plus besoin de parler pour se comprendre, le seul contact de leur peau leur suffisait. Jamais Léa n’avait ressenti une chose pareille, elle avait l’impression d’être comme un livre ouvert. Evidemment elle avait eu quelques relations plus ou moins longues et plus ou moins passionnées mais là c’était tout autre chose. Maxime était tactile, il lui caressait la joue lorsqu’ils s’arrêtaient ou lui tenait la main délicatement et la portait à ses lèvres alors qu’ils marchaient d’une étagère à une autre.
La nuit passa comme dans un rêve et Léa n’avait plus du tout envie qu’elle se termine. C’était une trêve au milieu de cette vie si morne, une passerelle enchantée, elle avait l’impression d’être une princesse et d’avoir trouvé son prince charmant.
Allongés face à face, ils discutèrent de leurs vies, encore et encore, de ce qu’ils feraient le lendemain. Léa lui parla de ses examens à venir et du temps qu’elle souhaitait encore y consacrer. Maxime rit en lui disant qu’elle avait la tête sur les épaules et qu’il l’attendrait le temps de ses partiels et qu’ensuite ils ne se séparaient plus.
La jeune femme sentait le sommeil arriver. Maxime lui caressa la joue une dernière fois.
- Merci pour cette nuit, Léa ! C’est un moment que je n’oublierais jamais.
- J’espère en vivre beaucoup d’autres… Avec toi ! lui répondit-elle, la bouche pâteuse, les yeux mi-clos.
Et elle s’endormit.
Léa rêvait encore lorsque quelqu’un lui tapa sur l’épaule. Elle ouvrit les yeux et tourna la tête s’attendant à voir Maxime. Mais ce fut une femme brune qui occupait l’accueil généralement le matin qui était debout au-dessus d’elle.
- Mademoiselle, vous avez dormi ici ? demanda-t-elle sans aucune trace de colère dans la voix.
- Oui répondit Léa, Nous avons été enfermé hier soir et nous n’avons trouvé aucune sortie.
- Nous ! mais vous êtes toute seule, ici, je viens d’arriver et il n’y a personne d’autre, dit la femme en regardant autour d’elle à la recherche de quelqu’un d’autre.
- J’étais avec un jeune homme brun, il s’appelle Maxime, lui aussi a été enfermé hier soir.
Léa se releva et remit de l’ordre dans ses cheveux. Elle épousseta sa tunique froissée par la nuit sur le fauteuil. Elle eut beau regarder tout autour d’elle, elle ne vit aucune trace de Maxime. Elle crut à une blague de mauvais goût mais la femme face à elle ne ressemblait pas à une présentatrice de caméra cachée. Peut-être s’était-il caché ou alors il était parti aux toilettes. La femme tourna les talons et alla s’installer à son bureau. Julie laissa son sac sur la table basse et se dirigea vers les toilettes mais elle ne put constater qu’il y avait personne.
Elle se rappela alors de leur premier baiser et se dit que peut-être il l’attendait là-bas. Arrivé devant l’étagère, elle rougit au souvenir agréable de la nuit passée. L’énorme volume de cuir rouge était là face à elle. Un papier dépassait de la couverture. Intriguée, Léa attrapa le volume et le déposa sur une table qui se trouvait à quelques mètres de là. Lorsqu’elle l’ouvrit, elle fut étonner de voir qu’il s’agissait d’un livre à fond creux et qu’au centre de celui-ci, se trouvait une sorte de carnet en toile noire, comme un journal intime. Julie le prit délicatement. Le papier qui dépassait était en fait une photo et elle reconnut de suite Maxime. Il était habillé comme cette nuit. Le papier était jauni par le temps. Elle tourna la première page et découvrit des lignes noircies par une écriture fine. Tout en haut, la date. 20 janvier 1985. Impossible ! Ce carnet ne pouvait pas appartenir à Maxime, il avait dû le trouver et le cacher. Elle le retourna et lut l’inscription. « Maxime Breton, Paris, 1985 »
Elle voulait en savoir plus, et pour en avoir le cœur net, elle feuilleta le carnet et atteint la dernière page et déchiffra les dernières lignes.
« 14 Mai 1985. Aujourd’hui est le dernier jour de ma vie, je le sais car j’ai décidé d’y mettre fin. Je n’apporte rien et ne manquerai à personne. Celui ou celle qui trouvera ce carnet pourra le garder pour mémoire. »
Léa ne voulait pas y croire. Ce n’était pas possible, elle n’avait pas rêvé de la nuit dernière. Elle relut les derniers mots. Alors qu’elle restait bloquée sur ce point final, Léa constata que sur la page d’â côté des mots apparaissaient au fur et à mesure. Les larmes aux yeux, elle lut les derniers mots de Maxime.
« Léa, si je t’avais rencontré il y a vingt ans, ma vie aurait été tout autre. Merci de m’avoir fait vivre la plus belle nuit de ma vie. Pour toujours Maxime. »
Se pouvait-il qu’elle est passée la nuit avec un fantôme ? Elle connaissait la réponse, la preuve était sous ses yeux malheureusement.