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Seul à seule (1/2)

Publié le par aulivia

Léa avait enfilé son peignoir par-dessus sa chemise de nuit. Il avait beau ne pas faire froid, la fatigue la faisait grelotter. Face à elle sur le bureau, tous ses livres étaient étalés, elle prenait des notes sur de petites fiches bristol, mais chaque fiche supplémentaire lui donnait l’impression que jamais elle ne s’en sortirait. La jeune femme reprit sa tasse de thé, en but une longue gorgée en fermant les yeux. Trois chambres plus loin, plusieurs étudiants s’étaient réunis pour organiser une petite sauterie. Le son était incroyablement fort et elle se demandait comment le reste de la cité universitaire pouvait réussir à dormir ou à faire quoique ce soit d’autre.

 

Il était tard, très tard et la musique avait enfin baissé d’un ton, les survivants de la fête s’étaient enfin décidé à lever le camp ou à mourir des litres d’alcool dans le sang au fond du couloir. Elle pouvait enfin se recoucher et dormir un peu. D’une main elle défit le nœud de son peignoir tandis que l’autre elle fermait le livre d’économie posé au-dessus de la pile. Léa avait besoin de quelques heures de sommeil qu’elle espérait réparatrices au vue de la charge de travail qui l’attendait le lendemain. Elle prit le temps de défaire ses cheveux blonds qu’elle avait attaché en un semblant de chignon et de se brosser les dents avant de filer sous sa couette. D’ici quelques heures son réveil sonnerait comme le clairon un jour de guerre.

 

A peine quatre heures plus tard Léa était face à son miroir et elle baillait à s’en décrocher la mâchoire. La douche, n’avait pas eu l’effet escompté, le thé non plus. Elle lutta pour ne pas s’asseoir sur son lit, car elle n’avait qu’une envie, retourner se loger sous ses draps. Mais elle s’était fixée un objectif et pour rien au monde, elle ne voulait flancher. Aujourd’hui, révision des cours de droits à la bibliothèque. Elle fourra dans son sac, ses notes, ses cours, puis rajouta deux paquets de gâteaux et une bouteille d’eau. La journée allait être longue mais en aucun cas, elle ne sortirait de là-bas sans être sûre que ses révisions de droit étaient achevées. Son ordinateur portable ainsi que son téléphone étaient posés sur son bureau. Elle fut tentée de prendre le second mais au final, comme elle n’avait pas pensé le recharger, elle préféra le laisser-là plutôt que de subir le bip de fin de batterie.

 

Le vent frais du matin la ragaillardie et elle marcha d’un bon pas. Arrivée face à l’édifice, elle ne put qu’apprécier sa beauté encore une fois. La bibliothèque faisait partie de l’université mais elle avait la particularité d’être implantée dans un ancien couvent. Le bâtiment avait été réaménagé mais le charme des vieilles pierres et le cloître en son sein donnaient une impression de calme et tranquillité. La jeune femme passa sous le premier porche et se rendit directement vers la bibliothèque, pas le temps de paresser aujourd’hui. Elle poussa la lourde porte en bois d’époque et entra dans le lieu qui serait le sien pour les dix heures à venir. Elle passa la première salle dont les volumes impressionnants, la hauteur sous plafond et les multiples étagères en métal donnaient un aspect froid et triste à l’ensemble. Léa longea la salle. Elle continua en direction d’une seconde pièce d’allure plus modeste. Les boiseries avaient été conservées et les livres étaient encore rangés dans des étagères en bois. Elle adorait cet endroit qui sentait le bois et le papier. Des lucarnes apportaient de la lumière à la pièce et des lampes posées sur les bureaux donnaient une atmosphère douce. La première fois qu’elle était venue, elle avait constaté qu’il n’y avait pas dû y avoir beaucoup d’aménagements depuis la mise en place de la bibliothèque. Des tables de travail avaient été ajoutées surtout là où on pouvait les loger. Les étagères en bois massif même vidées de leur contenu devaient être bien trop lourdes pour être déplacés et l’administration n’avait pas le temps de s’occuper de ça. Il y avait des livres et le moyen de les consulter, c’est tout ce qui était demandé après tout. Léa aimait cet endroit, elle s’y sentait à l’aise. Elle tourna à gauche après la seconde étagère et longea le mur pendant quelques mètres. Quelqu’un venant pour la première fois aurait pu croire à un véritable labyrinthe mais elle connaissait assez les lieux pour savoir où se rendre sans se perdre. Coincée dans un dédale d’étagères, une table d’un mètre environ avait été déposée là comme par erreur, et si Léa ne s’était pas aventurée par-là, elle n’aurait jamais trouvé cet endroit, ce havre de paix imbriqué entre deux étagères sur la troisième république. Une petite lampe donnait un aspect irréel à l’endroit, elle adorait ! Maintenant elle ne pouvait plus reculer, elle y était. Une des journées de révisions les plus longues et ennuyeuses de ses révisions allait commencer.

 

Crédit: Carpentras.fr

 

Déjà plus de deux heures qu’elle travaillait, passant d’un livre à l’autre, tout en prenant des notes et tentant de retenir les informations les plus importantes. Lorsqu’elle finissait l’un des thèmes de révisions, elle s’accordait quelques minutes de pause, buvant une gorgée d’eau et grignotant un biscuit. Elle relisait consciencieusement sa fiche et rajoutait des détails puis passait à la suivante. Vers treize heures, Léa s’accorda une pause et fila en direction du restaurant universitaire pour s’acheter un sandwich et une boisson. Elle profita des quelques rayons de soleil pour s’asseoir à l’extérieur et manger son déjeuner tranquillement. Dans un coin de sa tête, les lois, les articles, les arrêtés défilaient sans s’arrêter, elle tentait de penser à autre chose mais impossible, elle avait surtout envie d’en finir.

 

L’après-midi passa péniblement, mais Léa était satisfaite, elle avait quasiment terminé ses révisions. Elle voulait profiter des dernières heures d’ouverture de la bibliothèque et du calme qui y régnait pour relire et apprendre ses fiches par cœur. Elle se cala contre le mur du fond, les pieds de sa chaise en équilibre et se remit au travail. Elle voulait être débarrassée de cette matière le plus tôt possible. Sa nuque tirait et elle sentait ses épaules toutes endolories à force de garder cette position. La fatigue se faisait sentir et ses yeux étaient de plus en plus lourds. Léa ne se rendit même pas compte qu’elle s’endormait. Sa nuit trop courte de la veille avait eu raison d’elle.

 

La pièce était plongée dans la pénombre lorsque Léa rouvrit les yeux. Elle mit quelques secondes pour se rappeler où elle était. La lucarne située au-dessus de sa tête ne laissait filtrer qu’une lumière jaunâtre, les lampadaires extérieures avaient pris le relais, il devait donc être extrêmement tard. Julie chercha son téléphone portable dans son sac mais se rappela qu’elle l’avait laissé le matin même dans sa chambre. Elle se maudit de sa bêtise. Elle se leva, s’étira et joua avec les reflets de sa montre afin de savoir l’heure qu’il pouvait être. 21h30 ! Elle avait bien dormi, ça elle ne pouvait pas le nier et vu l’heure la bibliothèque était fermée depuis bien longtemps et elle n’avait pas de grande chance de trouver un employé encore là à cette heure. Léa rangea ses affaires à la hâte en se disant qu’avec un peu de chance, elle croiserait un gardien ou quelqu’un qui pourrait lui ouvrir. Elle longea le mur et compta les étagères, puis tourna à droite pour atteindre l’allée centrale. La nuit donnait une toute autre atmosphère à l’endroit. Elle qui le trouvait si agréable de jour, était bien moins rassurée maintenant qu’il faisait nuit et qu’elle avait juste le silence pour compagnon. Elle passa la porte pour entrer dans la grande salle. Les grandes vitres permettaient aux lumières provenant de l’extérieur de rentrer plus facilement, la pièce était dans la pénombre mais elle distinguait l’entrée à une trentaine de mètres ainsi que le bureau ovale qui faisait office d’accueil. Mais le lieu était désespérément vide, personne à l’horizon. Elle s’approcha laissant ses pas résonnés dans cet espace vide.

 

    - Hé oh ! Il y a quelqu’un ? appela-t-elle.

Seul le silence lui répondit.

    - Il n’y a personne ici ? répéta-t-elle un ton plus fort.

Toujours rien.

Léa commençait à désespérer.

    - J’ai déjà essayé …

Léa hurla, surprise d’entendre une voix dans son dos. Elle se retourna la main sur le cœur et découvrit un jeune homme à quelques mètres d’elle. Brun, les cheveux courts, il portait une chemise à carreaux ouverte sur un tee-shirt gris ainsi qu’un jean passé et une paire de converse. Il la regardait en souriant et n’avait pas l’air affolé d’être enfermé là. Léa avait l’impression d’être dans un mauvais fil de série B, manquait plus que cet étranger soit un tueur fou ou un psychopathe et voilà la blonde allait encore mourir dès le début de l’histoire. Le cerveau de Léa tournait à toute allure et elle ne voulait surtout pas lui montrer à quel point elle était terrorisée non pas d’être enfermé dans la bibliothèque mais surtout de l’être avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Il reprit la parole en souriant.

 

    - Désolé, je ne voulais pas te faire peur. Tu ne m’as pas vu, j’étais assis sur un des fauteuils juste-là. J’ai cru à une apparition quand je t’ai vu. Etre enfermé ici c’est déjà étonnant mais l’être tous les deux, cela l’est encore plus.

   - Oui, ce n’est pas ce que je souhaitais faire de ma nuit, lui répondit-elle.

   - Moi non plus. J’ai cherché un téléphone mais il y a juste une ligne interne et l’administration ne devait plus avoir de fond car ils n’ont prévu aucune sortie de secours. Je crois qu’on est bloqué là pour la nuit.

    - Non, ce n’est pas vrai. Léa était démoralisée, Elle leva la tête et soupira.

Elle avait envie de retrouver sa chambre, son lit, et elle se sentait encore toute endolorie de sa longue sieste sur sa table.

    - Au fait je m’appelle Maxime, lui dit-il en s’approchant.

    - Moi c’est Léa. Enchantée, répondit la jeune femme sans le penser vraiment.

    - J’ai vraiment l’impression d’être dans un mauvais film, à vrai dire, nous voilà tous les deux enfermés dans une vieille bibliothèque, il manque plus que le sérial killer et on est bon, lui annonça Maxime en souriant.

    - Je me suis dit la même chose et le pire c’est que c’est souvent la blonde qui y passe en premier. Donc je préférais trouver un moyen de sortir si ça ne t’embête pas.

Maxime la regarda et Léa sentit qu’il avait envie de rire mais il se retint. Il se dirigea vers le bureau et en fit le tour.

            -Tu peux tenter d’appeler si tu veux mais j’ai eu beau essayer cela n’a rien donné, lui dit-il en tendant le combiné.

            - Non, je te crois ! Du coup tu as trouvé un endroit confortable pour passer la nuit ou on a juste ces magnifiques fauteuils à notre disposition, demanda Léa en se tournait vers les quatres sièges un peu molletonnés disposés en cercle à quelques mètres d’eux. 

            - Nos lits sont là, dit Maxime en riant. Nous sommes gâtés !

Léa s’avança et déposa son sac auprès du premier fauteuil. Maxime retourna à sa place et s’installa face à elle. Dans la pénombre, elle pouvait distinguer ses traits et se rassura aussi mieux qu’elle put. Il avait l’air tout à fait normal et elle n’avait aucune raison d’avoir peur.

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