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13° Avec ou sans....

Publié le par aulivia

Monsieur Georges était devant sa cafetière et souriait. Il avait reçu la veille un appel de sa sœur qui lui proposait de venir passer quelques jours chez elle et profiter de ses neveux et nièces. Il était ravi. Il lui proposé d’arriver dès le lendemain, car aujourd’hui il avait certaines tâches à accomplir. Après avoir bu son café, il déposa la tasse dans le fond de l’évier, il la laverait à son retour car il ne voulait rater ce moment pour rien au monde. Tous les jeudis matins, il jetait un dernier coup d’œil dans le miroir de la salle de bains, passait une main dans ses cheveux poivres et sels, prenait son cabas et partait en direction du centre-ville. Dans le bourg du village, tous les jeudis matins se déroulait le marché. Dès la première semaine, il y avait pris ses habitudes, prenant des légumes de saison chez le primeur, un morceau de fromage et un peu de viande chez le producteur. Il aimait se promener au milieu de la foule, écouter d’une oreille distraite les conversations des uns et des autres et surtout prendre son temps. Pour finir, il s’arrêtait au stand le plus coloré et le plus agréable de tout le marché, le fleuriste, ou plutôt la fleuriste. Un petit brin de femme aussi jolie que les fleurs qu’elle lui proposait. Il prenait un petit bouquet selon ses conseils avisés, bouquet qui égayerait sa table durant toute la semaine et qu’il entretiendrait chaque jour en pensant à la conversation qu’il aurait avec elle la semaine suivante. Aujourd’hui, il voulait se lancer. Il souhaitait l’inviter à déjeuner après le marché, car lors de leurs conversations, il avait appris qu’elle mangeait sur le pouce alors qu’elle n’avait personne mise à part ses fleurs à l’attendre chez elle. Arrivé au marché, il fit son tour habituel fébrilement, les mains tremblantes, le regard perdu. Il voulait prendre son temps mais était trop pressé d’arriver jusqu’à elle. Lorsqu’il la vit, il se dit qu’il ne pouvait pas en être autrement ! Et Il avait raison, le 13 était son jour de chance, car elle accepta la proposition avec grand plaisir !

 

                                        

 

Marie avait toujours détesté le treizième jour de chaque mois. Elle n’était pas superstitieuse mais elle trouvait que cette date ne lui apportait rien de bon et ce depuis toujours. Son mari était mort un treize et sa mère aussi. Mais cela remontait à tellement loin. La vieille femme était plongée dans ses pensées lorsqu’elle entendit du bruit dans l’escalier. Quelqu’un descendait, il s’agissait sans doute de la demoiselle qui vivait au dernier étage, elle avait des horaires décalés. Elle partait au travail soit très tôt le maint soit en tout début d’après-midi. Marie mangeait une clémentine et n’avait pour seule distraction la télévision et son lot d’informations toutes plus pénibles les unes que les autres et les bruits de la vie qui l’entourait. La veille, elle avait suivi le nettoyage de la cage d’escaliers par la nouvelle concierge, Julie. Cette demoiselle avait l’air très sympathique et débrouillarde, et elle devait l’admettre, depuis son passage, la cage d’escaliers était rutilante. Monsieur Georges pourrait être fier de sa remplaçante, du moins pour le moment. D’ici quelques semaines lorsque la routine prendrait le dessus, c’est là que la jeune femme révèlerait son endurance et sa motivation. Marie baissa les yeux sur son assiette. Elle avait laissé quelques morceaux de poulet ainsi que les croutes de sa part de fromage. Elle déposa le plat à ses pieds sur le parquet. La porcelaine tinta délicatement sur le bois verni. Un chat blanc tacheté tel un dalmatien sauta du canapé et apparut en un instant à ses pieds. Il miaula de plaisir et se frotta à sa jambe. Son visiteur prenait ses aises mais elle aimait cela. Elle ne savait pas d’où ce chat venait mais il apparaissait à son balcon plusieurs fois par jour et restait de plus en plus longtemps. Tant que son propriétaire ne venait pas frapper à sa porte pour le récupérer, elle profiterait de ses moments agréables. Et pour que cela continue le plus possible, il ne fallait pas que quelqu’un découvre que c’était chez elle qu’il passait ses journées.

 

                                             

 

Julie était très contente de sa troisième journée de travail, elle avait pu rencontrer certains résidents de l’immeuble et avait bien rattrapé le retard des trois semaines de conciergerie vacante ! Elle se dit que Monsieur Georges serait sans doute fier d’elle, du moins elle l’espérait. C’est quand elle s’assit à son bureau et qu’elle posa les yeux sur le calendrier qu’elle se rendit compte qu’elle avait oublié quelque chose, un fait très important, une date qu’elle n’aurait jamais pu l’oublier avant. Mais là en quatre jours, entre son appartement, son travail qui n’était pas de tout repos, et les visites quotidiennes de Fatima, elle n’avait pas eu  le temps de penser à grand-chose. Elle savait que son amie avait fait en sorte qu’elle passe le moins de temps possible sans rien faire pour ne pas réfléchir et  penser à son passé, à ce qu’elle avait laissé derrière elle et aux conséquences de tout cela. Et la preuve était que cela fonctionnait à merveille. Elle avait oublié l’anniversaire de Rodolphe. Le 13 février, veille de la Saint Valentin, elle préparait toujours une surprise pour lui, l’emmenait au restaurant et lui offrait un superbe cadeau. Et là, elle avait passé sa journée à nettoyer, à ranger, à trier et à aucun moment elle n’avait pensé à lui. Que pouvait-il faire ? Où était-il ? Le connaissant et sachant qu’il n’avait plus aucun meuble ni aucun ustensile de cuisine, il irait sans doute chez ses parents ou alors chez une de ses maitresses. Car elle n’était pas dupe, elle savait qu’en plus de tout ce qui lui avait fait endurer, il l‘avait trompé pendant ces cinq dernières années. Encore un point qui lui permettait de se conforter dans l’idée qu’elle ne regrettait pas ce qu’elle avait fait, il le méritait. Elle espérait de tout cœur, qu’il fêterait son anniversaire seul. Elle l’imaginait assis au milieu de leur ancien salon vide, tout juste éclairé par l’ampoule blafarde qu’elle avait bien voulu laisser. Rien que cette pensée lui mit du baume au cœur, elle avait l’impression d’être plus forte et plus courageuse qu’elle ne l’avait jamais été.  Elle traversa le salon et se dirigea vers le buffet ou elle rangeait les quelques bouteilles d’alcools forts réservés à Rodolphe et ses amis. Elle se servit quelques gouttes de son meilleur whisky, celui qu’il encensait. Il se vantait auprès des connaisseurs de l’avoir acheté en Irlande lors de l’un de ses voyages. Julie leva les yeux au ciel à ce souvenir. Elle porta le verre à ses lèvres et grimaça lorsque le liquide coula dans sa gorge. Elle détestait le whisky mais il fallait fêter cela. Bon anniversaire Rodolphe !

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