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Vol-hier

Publié le par aulivia1.over-blog.com

Je ne vous donnerais ni mon nom ni mon prénom. J’ai trop peur que vous me retrouviez. Je peux simplement vous dire que je m’excuse, pour ce que je vous ai fait, ou ce que je vais vous faire ! Depuis maintenant trois mois, je me sers dans vos maisons pour embellir la mienne. Eh oui, je suis un voleur. Mais je vous rassure, (enfin si c’est possible qu’un cambrioleur puisse vous rassurer !) je ne suis pas n’importe quel voleur qui va mettre à sac votre salon, retourner votre cuisine. Je ne prends que ce dont j’ai besoin, ni plus ni moins.

Si vous avez bien suivi ce que je viens de vous dire, je ne suis pas comme les autres. Je ne fais pas ça pour de l’argent, je ne revends pas ce que je dérobe! Je n’ai pas d’excuses, je sais, mais peut-être que si je vous explique, vous allez me comprendre et vous m’en voudrez moins!

C’est à cause de ma femme, enfin de ma compagne, si je fais ça ! Elle m’a mis à la porte, il y a trois mois. Selon elle, je ne lui servais plus à rien. J’étais au chômage et mes allocations nous permettaient tout juste de payer le loyer ainsi que la plupart des factures, mais cela ne lui suffisait plus. C’est donc un mardi matin, pendant le petit-déjeuner, alors que je mangeais mes céréales, qu’elle m’a annoncé que j’avais quinze jours pour quitter le domicile, et me trouver un autre chez moi, sans elle. J’ai levé le nez de mon bol, je l’ai regardé pensant que j’avais rêvé, mais elle était plantée là, froidement, une tasse de café à la main. Elle devait attendre une réponse de ma part ! Mais moi la seule chose à laquelle je pensais, c’est de savoir qui allait récupérer Cahuète, notre chat. Elle l’a gardé, et je n’ai pas eu mon mot à dire ! Je me souviens encore de son regard à mon ex, pas à mon chat. Je ne l’avais jamais vu si froide, si hautaine auparavant. Un vrai glaçon! Ce n’était plus mon amour, la femme qui me faisait rire et avec qui je passais de si bons moments! Moi qui pensais avoir trouvé la femme de ma vie ! Eh bien, non !

Comment je suis devenu cette personne ? C’est tout simple. J’ai des besoins et je n’ai pas suffisamment d’argent pour les assouvir. Déjà, durant les quinze jours qu’Emma a daigné me laisser pour me retourner, et où j’ai dormi sur le canapé avec Cahuète sur le ventre, j’ai fait la liste des choses dont j’aurais besoin pour mon nouveau chez moi. J’ai eu un peu de chance dans mon malheur ; un ami déménageait et a proposé mon dossier à son propriétaire. Comme nous étions tous pressés, lui pour trouver un locataire et moi un logement, il m’a accepté, mais à la condition de demander à mes parents d’être garants. J’ai dû leur promettre de toujours payer mon loyer quoiqu’il arrive ! J’ai eu tellement honte… Trente ans, demander de l’aide à mes parents et devoir leur expliquer pourquoi c’était fini avec Emma. J’étais comme un gamin pris en faute. J’osais à peine les regarder dans les yeux. Du coup, pour ne pas leur en imposer plus, je leur ai dit que j’avais de quoi m’équiper. Ce qui était totalement faux !

Un soir, alors que je me promenais dans un quartier résidentiel pour me changer les idées, et quitter mon appartement vide, j’ai constaté que les résidents laissaient leurs fenêtre ouvertes pour laisser entrer la fraicheur de la nuit. La rue était calme et pas un bruit ne filtrait. Plus j’avançais dans la nuit, plus je regardais à l’intérieur des maisons avec envie. Je voyais les téléviseurs écran-plat et les homes-cinémas dans les salons, de la jolie vaisselle et de l’électroménager dernier cri dans les cuisines équipées. Ma voiture était garée à moins d’un mètre d’une maison, dont la fenêtre donnant sur la cuisine était ouverte. J’avançais lentement jusqu’à cette ouverture et jetait un coup d’œil à l’intérieur. Sur le bar, il y avait une machine à café et un grille-pain. Tout le nécessaire pour un parfait petit-déjeuner. Il me suffirait juste de passer la fenêtre et de prendre ce dont j’avais besoin. L’opération ne prendrait que deux minutes, pas une de plus. Une machine à café et un grille-pain, il y en a pour combien, 100€, ils n’auront aucun mal à se les racheter. Alors que moi 100€, c’est mon budget pour manger durant tout le mois. Je regardais à droite et à gauche, avec appréhension. Je comptais franchir le pas, celui qui me séparait de la cuisine, mais la peur me tenaillait. Je pris le temps de réfléchir deux minutes. Pour éviter de me faire avoir, il fallait que je m’organise. J’ouvris la portière passager et descendit la vitre. Il me suffisait de rentrer, prendre les objets, les poser dans la voiture et de repartir aussi vite. Par contre, est ce que j’allume le moteur ou non ? Non, réflexion faite, ça pourrait éveiller les soupçons. Une voiture qui tourne sans chauffeur à côté d’une fenêtre ouverte, ça peut paraitre suspect. Je ferme les yeux pendant quelques secondes, les rouvre pour regarder des deux côtés et prendre mon courage à deux mains. Je m’appuie sur le rebord de fenêtre et me hisse le plus discrètement possible à l’intérieur de la maison. Voilà, j’y suis ! je regarde tout autour de moi, la porte qui donne sur un salon est entrouverte mais seul le silence me répond. Je fais alors le tour du bar et me dirige directement vers l’électroménager. Autant faire vite ! La lumière de la rue me permet de m’orienter. Les prises électriques sont fichées directement dans le mur, pas besoin de déplacer quoique ce soit. Je les débranche le plus délicatement possible, sans un bruit. La machine à café sous le bras et le grille-pain de l’autre, je me dirige vers la sortie. Depuis la fenêtre, je dépose les deux objets sur le siège passager, ma voiture étant juste à côté. Je me retourne et fier de la rapidité à laquelle j’ai pris ce dont j’avais besoin, je me dirige vers le réfrigérateur. La tentation est trop forte ! J’ouvre la porte et jette un œil à l’intérieur. Il regorge de bonnes choses. Pourquoi ne pas en profiter pour leur prendre quelques trucs. Je me décide pour des yaourts, de la viande et de la charcuterie. Je pousse même le vice jusqu’à ouvrir certains placards pour trouver les dosettes pour la machine à café. Après une bonne minute, je trouve ce que je cherche et j’en profite pour prendre le pot de sucre en morceaux ainsi qu’une brioche. J’ouvre une dernière fois le frigo pour prendre une plaquette de beurre. Une brioche avec du beurre, grillée et trempée dans un bon café demain matin. Le rêve ! Je ressors comme je suis venu, en enjambant la fenêtre. Je dépose mon butin sur le siège passager à côté du reste et fais le tour de la voiture. Je démarre alors que la peur au ventre me tenaille. Je ressens l’adrénaline qui parcourt tout mon corps. Je viens d’effectuer un vol. Et si je me fais prendre ? Qu’est-ce que je risque ? de la prison, des dommages et intérêts ? Les propriétaires vont-ils porter plainte pour le vol d’aliments, d’une cafetière et d’un grille-pain ? Les policiers vont-ils faire des relevés d’empreintes ? De toute façon, je n’aie jamais été fiché, comme ils disent dans les films. Donc, ils auront mes empreintes mais ils ne pourront pas savoir à qui elles appartiennent. Il suffit juste que je ne me fasse jamais prendre. Je roule en direction de mon appartement et regarde en arrière toutes les dix secondes. Et si quelqu’un m’a vu sortir par la fenêtre de la maison et me suit en ce moment même. Qu’est-ce qui se passera ? Pour me rassurer, je décide de passer par le centre-ville et de rallonger mon trajet d’une dizaine de kilomètres, juste pour être sûr. J’arrive en bas de chez moi, je jette un œil à mon appartement situé au rez-de-chaussée d’un petit immeuble de trois étages. Je reste quelques secondes assis sur mon siège, les mains sur le volant. J’ai volé un grille-pain et une cafetière… Trois semaines auparavant, je ne m’en serais pas cru capable. Je viens d’effectuer un cambriolage. Je suis un voleur. Vous vous dites que je devrais avoir honte, mais maintenant que je suis là, ce n’est pas ce sentiment qui m’assaille c’est plutôt la joie et surtout l’envie de recommencer, dès demain. Mon sourire s’étend de part et d’autre de mon visage. Je décide de monter chercher mon sac de voyage pour mettre mon larcin à l’intérieur et éviter les allers retours. De retour chez moi, je pose les deux appareils sur la table de ma cuisine. Je les contemple pendant quelques minutes. Je suis fier de moi ! Avec les aliments que j’ai dérobés, je vais me faire un véritable petit-déjeuner demain matin, chose que je n’ai pas faite depuis mon déménagement.

Je me souviens très bien de ce moment. Passé le stress du vol de la veille, j’ai savouré ce repas sans aucune culpabilité. « Demain, je recommence ! » voilà ce que je me suis dit. Et c’est à partir de là, que je suis devenu qui je suis aujourd’hui. Les jours suivants, ou plutôt les nuits suivantes, je me suis promené dans diverses résidences et lotissements. Les premières nuits, je n’ai visité qu’une seule maison et j’ai continué mon vol de petits objets utiles à ma vie de tous les jours. Dans une maison, je suis rentré par la salle de bains où j’ai dérobé des serviettes ainsi que des produits de beauté. La maison suivante m’a permis de remettre à jour ma vaisselle, et ainsi de suite pour le réveil d’une chambre d’ami, l’ordinateur portable ou le lecteur mp3. Au bout de quelques jours, ce sont des biens plus importants qui m’ont attirés. Le lave-linge me serait tellement utile, plutôt que d’aller une fois par semaine au lavomatic, et finir la semaine en jogging ; le sèche-linge pour les mêmes raisons, mais il y avait aussi l’écran plat et le home cinéma. Tous ces produits de consommation qui me permettraient de passer des journées tellement plus agréables. J’ai donc décidé de m’organiser pour pouvoir voler des objets plus lourds et encombrants ; les porter serait impossible, je ferais trop de bruit. Il allait me falloir du matériel. J’ai donc acheté le nécessaire en espèces dans un grand magasin. (Les espèces, pour ne pas laisser de traces, évidemment !) Si je vous dis qu’un diable, des couvertures et quelques sangles sont suffisants pour déplacer des objets volumineux. De plus, mes nuits de maraude m’ont  permis de constater que les gens sont trop confiants. Généralement, et je suis sûr que vous-même vous le faites, la porte d’entrée est fermée à clé mais les clés restent dans la serrure. Donc si vous laissez la fenêtre ouverte, il me suffit d’entrer par là et de sortir par la porte, tout simplement. J’ai donc profité de votre excès de confiance pour garnir mon appartement. J’ai commencé par meubler mon salon, puis ma cuisine et ma salle de bains. J’ai même volé un matelas dans ce qui devait être une chambre d’amis. J’ai bien sûre pris les draps qui allaient avec.

Vous vous demandez sûrement comment les gens font pour ne pas m’entendre ? Je me le demande aussi. Je tente de faire le moins de bruit possible mais je me fais de belles frayeurs parfois. Mais à aucun moment, un propriétaire n’a été alerté par le bruit que je pouvais faire.

Voilà maintenant plusieurs semaines que je vis cette vie. Je meuble mon chez-moi grâce à votre chez-vous. Je ne vole pas trop chez chacun car je sais que cela coûte cher. Si je vole la télé, je ne vole rien d’autre. Ah si! Je fais tout de même un tour dans votre frigo, j’en profite pour faire mes courses et vous prendre quelques produits frais. Par contre, cela va maintenant faire trois jours que je ne suis pas sorti la nuit. J’ai trouvé un travail à temps complet dans un restaurant. Du coup, quand je rentre je ne pense qu’à aller me coucher. Ce boulot me permet de payer les factures, comme on dit.  Mais, je me suis vite rendu-compte qu’entre le travail et ma vie nocturne, cela devenait assez difficile à gérer. Alors depuis quelques jours, c’est relâche. Aujourd’hui, on est samedi soir. Je viens de finir ma première semaine de travail et mon patron m’a dit être fier de moi. Pour fêter cela, je décide de reprendre mes bonnes vieilles habitudes et d’aller faire un tour dans le premier quartier pavillonnaire que j’ai visité il y a maintenant plusieurs semaines, lors de mon premier « vol de nuit ». J’ai une subite envie de viande rouge accompagnée d’un bon bordeaux. D’ailleurs, je me rappelle avoir vu dans une des maisons, quelques bonnes bouteilles de vin. Au moment où je m’assois face au volant, j’hésite. Je devrais peut-être attendre lundi et aller faire des courses comme le commun des mortels. Ou alors je repasse par chez moi pour prendre mon sac. Comme il est déjà une heure du matin, je sais que si je rentre, je vais m’affaler dans le canapé (que j’ai dérobé également, un sacré coup celui-là ! la maison était vide mais une fenêtre donnant sur le jardin était restée entrouverte !) et j’aurai la flemme de ressortir. Je démarre ma voiture et me dirige tranquillement vers le sud de la ville. Je n’en ai pas pour longtemps. Il me suffit juste de prendre de quoi manger pour ce soir ! Je me gare à quelques pas de la maison et décide de poursuivre à pied. On est au mois de Septembre, mais il fait encore très bon pour cette période. Les gens continuent de dormir les fenêtres ouvertes pour permettre aux courants d’air de circuler ; tout comme moi, je suis un véritable courant d’air! La maison qui m’intéresse, fait l’angle d’une rue et toutes les fenêtres sont éteintes. Je m’introduis discrètement dans le jardin et cherche un moyen de m’introduire à l’intérieur. Après cinq bonnes minutes de recherche, je constate que les propriétaires ont été précautionneux, je n’ai aucun moyen de rentrer. Je fais demi-tour car il ne vaut mieux pas s’attarder. Peut-être aurais-je plus de chance dans une des maisons du voisinage. Je reprends ma promenade tranquillement, jetant un regard sur chaque fenêtre, espérant que l’une d’entre elles soit ouverte. Après vingt bonnes minutes de marche dans le quartier, je dois me rendre à l’évidence, ce n’est pas ce soir que je vais pouvoir manger un steack et boire un bon verre de vin. Le bouche-à-oreille a dû fonctionner, car toutes les fenêtres sont closes. Je soupire voyant s’échapper mon repas au loin. Je vais devoir me contenter des restes qui se trouvent dans mon frigo (que j’ai acheté par contre !). Je retourne à ma voiture et reprend la direction de mon appartement, les bras ballants.

Après quelques minutes de route, me voilà enfin chez moi. Je me gare et sors les clés de ma poche. J’arrive devant ma porte, lorsque je constate que celle-ci est entrebâillée. Il me semblait pourtant avoir fermé en partant. Il faut dire que depuis que j’ai commencé mon nouveau boulot, j’ai tendance à partir rapidement. J’ai dû la claquer et avec le vent, elle se sera rouverte. Je pousse la porte et entre dans le couloir qui dessert le reste de l’appartement. Je me dirige directement vers la cuisine qui donne sur le salon. Je pose les clés sur le bar. J’effectue tous ses mouvements par habitude dans une semi-obscurité, seule la lumière d’un lampadaire me permet de distinguer les murs qui m’entourent. Depuis que je vole, j’ai l’impression que ma vue s’est habituée à l’obscurité. Je distingue mieux les objets. Je fais un pas en direction du frigo et tend le bras pour ouvrir la porte et me servir un soda. Tiens, je pensais qu’il était plus près de la table ! Comme quoi, la nuit peut nous jouer des tours.

Lorsque j’allume la lumière, je reste bouche-bée ! Mon frigo a disparu ! Je me retourne et contemple le salon, il ne reste plus rien. Plus un meuble, ma télé, mon home cinéma, mes dvd, mon canapé ! J’ai été cambriolé ! Mais les personnes qui sont passées par là, ne se sont pas posées de questions, mon appartement est vide, entièrement vide !

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