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18° Maman, écoute-moi

Publié le par aulivia

Julie arriva dans l’allée gravillonnée, elle savait que sa mère l’attendait de pied ferme. Le rideau de la cuisine s’était baissé à son arrivée et elle entendait le pas familier traverser le couloir pour se rendre dans l’entrée. Elle n’eut même pas le temps de frapper, que la porte s’ouvrait déjà. Sa mère n’avait pas changé, ses cheveux bruns arrivaient juste au-dessus de ses épaules et son visage était maquillé avec soin, comme toujours. Sa maman prenait soin d’elle, non par pour elle plutôt pour les autres. Elle portait une jupe droite noire et un chemisier rouge qu’elle protégeait par un joli tablier vichy que Julie avait toujours connu. Lorsqu’elle eut enfin sa fille face à elle, sa mère sourit. Un de ses sourires forcés, sa mère lui en voulait et Julie le voyait.

          -  Ma chérie, te voilà enfin ! On commençait à s’inquiéter avec ton père. Lui dit-elle sans lui laisser le temps de répondre. Mais tu as coupé tes cheveux et tu t’ais fait une couleur !

Elle joignit le geste à la parole et attrapa une des mèches qui encadraient le visage de sa fille. Julie frissonna, depuis ces dernières semaines, elle avait eu très peu de contacts physiques mise à part les accolades de Fatima ou des autres femmes de l’association.

     - Cela te va très bien, ça met en valeur tes yeux ! tu ressembles à ta grand-mère comme ça !

        -  Merci, répondit Julie étonnée par ce compliment gratuit.

       -  Rentre et pose ton sac, j’ai préparé le repas et ton père est dans le salon, il regarde les informations. Va t’installer, j’arrive tout de suite. Et sa mère disparut dans le couloir.

 

                                

 

Julie déposa son sac dans l’entrée, l’odeur de la cuisine de sa mère la rassura. Elle avait fait des tomates farcies, un de ses plats préférés. Cela lui rappelait sa vie ici, et les souvenirs de cette époque affluaient, des moments heureux emplis de bonheur.  Elle accrocha sa veste à la patère. Elle reconnut celle côtelée que son père portait pour se rendre au travail ainsi que le manteau de sa mère. La porte sur la droite donnait sur le salon – salle à manger, elle savait qu’elle trouverait son père assis dans le coin gauche du canapé, la télécommande dans une main et la deuxième posée sur le journal du jour plié en deux. Elle avança de quelques pas et son idée se confirma, son père était là, dans la position qu’il affectionnait pour regarder le journal. Cette image la rassura.

 

                -     Coucou papa ! Dit-elle.

 

Son père tourna la tête et elle découvrit ce visage connu et ce sourire, celui en qui elle avait toujours pu avoir confiance, empreint de sincérité. Elle aimait son père car il l’avait toujours écouté et comprise, à aucun moment, il ne l’avait jugé, et c’était son soutien inébranlable qui l’avait motivée dans le choix de sa carrière. Elle ne l’avait jamais dit à personne, mais elle avait toujours plus aimé son père que sa mère. Bien évidemment elle l’aimait énormément sa maman, et elle en mourrait s’il lui arrivait quoique ce soit, mais avec son père, leur relation était différente, beaucoup plus simple. Elle pouvait lui dire ce qu’elle avait sur le cœur sans craindre ses réactions, sans avoir peur d’être jugée. Avec sa mère c’était différent, il aurait fallu qu’elle rentre dans le moule, qu’elle fasse un métier différent, des concessions et surtout qu’elle suive la voie de sa mère, en travaillant un peu pour mettre du beurre dans les épinards mais surtout qu’elle s’occupe de sa maison, de son petit mari et qu’elle fasse des enfants. Julie ne comprenait pas du tout cette vision de la vie que pouvait avoir sa mère, elles étaient tellement différentes. Mais elle en avait pris son parti, et l’appelait quand elle avait besoin de conseils ménagers pour la plus grande joie de celle-ci.

 

Julie planta un bisou sur le front de son père et s’assit à côté de lui. Il posa la main sur son genoux et au contraire de sa mère, Julie n’eut pas de sensation de recul. Ce geste la rassurait. Son mal-être et son stress, toute cette énergie négative disparut instantanément. Elle savait qu’il la soutiendrait et serait là pour elle.

 

Julie discuta quelques instants des informations qui défilaient à l’écran, puis se leva, pour aller mettre la table. Les vieilles habitudes avaient la vie dure. Elle avait l’impression de ne jamais être partie en un sens. Et la soirée se déroula dans la même ambiance, comme au bon vieux temps. La fatigue de la semaine pour chacun d’entre eux prit le dessus et à aucun moment, sa mère ne lança l’épineux sujet du déménagement. Ils savouraient l’instant et repoussaient l’échéance au lendemain. Il faudrait qu’ils aient cette explication mais une bonne nuit de repos était nécessaire.

 

Julie aida sa mère à débarrasser la table et souhaita le bonsoir à ses parents. Elle monta les escaliers qui menaient à son ancienne chambre. Elle passa par la salle de bains pour son rituel du soir et  s’installa sur son lit, celui dans lequel elle avait dormi durant toute son adolescence, là où elle avait passé des soirées à lire, à recevoir des amies pour rire et écouter des tubes à la mode, là où elle avait perdu sa virginité aussi. Elle rougissait à ce souvenir. Mise à part son lit, tout le reste avait changé, ses parents avaient redécoré la pièce quelques années après son départ, pour en faire une chambre d’amis. Une tapisserie dans les beiges ornait les murs et avaient remplacé la sienne jaune et bleu ainsi que ses posters de films. Son bureau avait été décapé et repeint et sa mère en bonne maîtresse de maison avait déposé quelques livres pour les amis qui restaient dormir. Julie lut les noms sur les jaquettes et secoua la tête. Encore une question de paraitre, de grands auteurs, pas du tout le genre de lecture que sa mère aimait mais ça jamais elle ne l’avouerait.

 

La jeune femme ouvrit son sac et sortit un pyjama, elle l’enfila rapidement et se glissa sous les couvertures après avoir déposé ses vêtements sur la chaise de bureau. Pour s’endormir, certains auraient compté les moutons, elle compta les heures qui la séparaient de son retour chez elle.

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