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34° La chasse

Publié le par aulivia

Julie avait la tête sur les épaules. Mais aujourd’hui, elle avait surtout l’esprit ailleurs… Ses pensées étaient tournées vers une certaine personne vivant au deuxième étage de l’immeuble. Elle tentait par tous les moyens de s’occuper depuis son réveil mais rien n’y faisait, elle n‘attendait qu’une chose, la fin de la journée et l’arrivée de Driss. Peut-être qu’il ne s’agissait que de paroles en l’air et qu’il ne passerait pas, ou alors … il serait le jeune homme avec qui elle avait passé la fin de soirée hier soir.

La jeune femme était assise sur le palier du premier étage, un pinceau dans la main et un pot de peinture dans l’autre. Elle s’était mise en tête de repeindre la rampe depuis quelques jours. Elle avait donc poncé la totalité des barreaux pendant plusieurs matinées et là elle s’attaquait enfin à la peinture. Elle avait fait des recherches dans les textes et les règles de la copropriété et avait demandé son avis aux différents propriétaires concernant le choix de la couleur. Tous étaient ravis de l’initiative de leur concierge et ils avaient rapidement donné leurs accords pour un gris clair qu’elle avait en pot dans la cave. Un énorme pot de cinq litres qui aurait dû être suffisant mais elle devait se rendre à l’évidence, il faudrait qu’elle aille en acheter un dans la journée si elle voulait finir son travail. Elle voulait passer deux couches et n’avait pas encore fini la première qu’elle voyait quasiment le fond. Julie regarda l’heure et constata qu’il était déjà midi passé. Sa nuque était raide et elle avait les doigts engourdis. Il était temps de s’accorder une pause. Elle se leva et s’étira un moment. Les bras levés vers le ciel, elle détendait ses muscles endoloris par les gestes répétitifs. Elle se demandait si elle allait profiter de sa pause en début d’après-midi pour se rendre dans un magasin de bricolage afin d’acheter sa peinture ou si elle attendrait le soir. Elle allait redescendre dans la loge lorsqu’elle entendit une des portes du premier étage s’ouvrir. Il devait s’agir de Marie Paolino, la vieille dame dont elle s’était prise d’affection depuis son arrivée. Celle-ci apparut sur le seuil, appuyée sur une canne et le sourire aux lèvres. Julie remonta les marches quatre à quatre. Elle était toujours contente d’échanger quelques mots devant un café avec Marie. Elles avaient discuté de leurs vies respectives, avec pudeur au début puis avec franchise et émotion au fil des semaines. Julie avait tout d’abord caché le pourquoi de son arrivée ici mais marie lui avait confié ses secrets les plus intimes et au détour d’une conversation, elle lui avait tout avoué. Marie lui avait serré la main très fort pendant quelques secondes. Et sans chercher à en savoir plus, elle était passée à autre chose. Si Julie souhaitait faire un trait sur ces instants, ce n’était pas Marie qui irait à l’encontre de sa décision. Julie aurait tellement aimé que sa propre mère réagisse pareil. La vieille femme prit la parole.

    - Julie, cette rambarde a retrouvé une seconde jeunesse, grâce à toi, dit-elle.

   - Merci, répondit Julie, mais j’ai juste passé un coup de peinture et je n’ai pas encore fini. Je vais devoir acheter un second pot, celui-ci est quasiment terminé. Je pense y aller dans la journée.

   - Ça tombe vraiment bien que je te trouve là, alors, j’ai l’ampoule de mes toilettes qui a grillé et c’est toujours Monsieur Georges qui s’en occupait et je voulais savoir si ça ne t’embêterait …

   - Je m’en occupe ! ne t’inquiète pas, l’interrompit Julie. Je n’en ai plus dans la loge, mais je vais aller au magasin entre 14h et 16h, pendant ma pause. Je ne voudrais pas que tu te blesses ou autre dans tes toilettes.

    - D’accord, lui dit Marie.

  - Si tu veux j’en profiterai pour prendre un gâteau à la boulangerie et nous pourrons prendre le goûter ensemble si je ne rentre pas trop tard.

    - Avec plaisir ! dit Marie.

Julie discuta encore quelques instants avec la vieille femme et prit congé. Elle voulait manger rapidement pour ensuite faire l’aller-retour jusqu’au magasin de bricolage.

La jeune femme avait pris son déjeuner sur le pouce face à son ordinateur, elle avait beau connaître la ville et les alentours, elle ne savait pas quel bus il fallait prendre depuis chez elle pour se rendre jusqu’à la zone commerciale située dans la périphérie. Elle avait pris de la monnaie dans la caisse de la conciergerie et son sac à main. Juste avant de partir, elle fit un détour dans la salle de bains pour se recoiffer et vérifier que son maquillage n’avait pas pâtie lors de son activité du matin. (Elle avait pris le temps de se maquiller au cas où elle ferait une rencontre aux alentours du deuxième étage !)

Julie passa tout le trajet à réfléchir à son hypothétique rendez-vous avec Driss. Elle ne voulait pas être une jeune fille fleur bleue et se pâmer devant le premier bellâtre venu. Et avec son passé, elle pensait qu’une nouvelle relation serait plus dure, plus compliqué à gérer, qu’elle n’arriverait pas à s’engager à nouveau et qu’en tant que femme battue, elle aurait plus de difficultés. Mais elle devait être plus forte qu’elle ne le croyait. Rodolphe avait abusée d’elle, de sa confiance envers lui, il avait levé la main sur elle plusieurs fois, et avait profité de sa faiblesse pour imposer sa loi. Mais aujourd’hui, et sans doute grâce à l’association, à Fatima et à toutes les femmes qu’elle avait rencontré au sein de ce groupe, elle se sentait plus forte et elle savait qu’elle mènerait sa vie sans qu’aucun autre homme ne li fasse peur. Et au moindre doute de toute façon, elle prendrait les devants et mettrait un terme à l’histoire. Elle était arrivée devant l’entrée du magasin. Ne voulant pas perdre de temps, elle s’arrêta au niveau d’un plan en plexiglas proposant une vue du magasin dans son ensemble. Penchée sur le plateau, elle cherchait le rayon des ampoules lorsqu’elle entendit une voix qu’elle ne connaissait que trop bien. Crispée, elle ne releva pas la tête. Elle attendit qu’il la dépasse pour jeter un coup d’œil. Rodolphe venait de passer à moins de deux mètres d’elle. Et deuxième choc, il n’était pas seul. Il tenait une jeune femme brune par la taille. Julie ne savait pas quoi faire, tenter entre deux options : La fuite, pour être sûre qu’il ne le voit pas et la chasse, afin d’en découvrir un peu plus et aussi acheter sa peinture et les ampoules pour Marie.

Elle attendit quelques secondes et passa les barrières qui séparait l’accueil du reste du magasin. Sa curiosité avait pris le dessus sur sa peur. 

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